ACHILLÉE MILLEFEUILLE
Achillea millefolium
Celle que nos ainés appelaient l’Herbe à dinde : la plante était autrefois mélangée à la nourriture des volailles en traitement contre leurs maladies intestinales.
Son nom innu, tshishiteu-nipisha veut dire : qui brûle la peau. Certains développent en effet une dermatite de contact en manipulant la plante.
L’Achillée est sans doute l’une des plantes les plus importantes de la médecine autochtone à travers l’Amérique du Nord. C’est une plante très vieille qui pousse pratiquement partout dans l’hémisphère nord et qui est connue de l’Humain depuis qu’il sait se soigner avec les plantes. La médecine de l’Achillée est très connue parmi les peuples qui se soignent toujours de façon naturelle. Ses usages médicinaux sont vraiment nombreux et peuvent soigner la plupart des maux du quotidien : fièvre, infections urinaires, mal de gorge, premiers soins divers, soins des poumons ou soins du système reproducteur féminin.
La monographie complète de l’Achillée fait 27 pages dans le livre des FLEURS. Le but de cet article n’est pas de mettre toute la monographie en ligne. Certains usages que vous connaissez de la plante ne seront probablement pas énumérés ici : je partage avec vous les usages les plus fréquents de ma propre pratique. À noter que je n’utilise pas et que je ne fabrique pas non plus de remèdes à base d’alcool.
PREMIERS SOINS
L’Achillée fait partie de ma trousse de premiers soins depuis des années. Je m’en fais provision chaque été pour les jeunes fleurs, et chaque automne pour les racines et les fleurs plus âgées. Au début de l’été, je ne cueille que les jeunes fleurs et à l’automne, je cueille le plant au complet. Je fais mes réserves d’hiver en séchant les plants entiers : je sépare les parties une fois bien sèches et j’entrepose séparément les feuilles, les racines et les fleurs. Je garde les tiges pour faire de l’encens.
FEUILLES : les feuilles fraiches roulées en boule et insérées dans la narine servent à arrêter les saignements de nez. Les boules de feuilles fraiches se placent aussi sur des petites blessures cutanées qui saignent : une gale arrachée, une piqûre trop grattée ou une éraflure superficielle, pour arrêter le sang.
On fait un cataplasme avec les feuilles séchées en ajoutant un tout petit peu d’eau à la poudre des feuilles moulues. Cette pâte sert à calmer les douleurs articulaires ou musculaires, arrêter le saignement des plaies, calmer les brûlures et réduire l’expansion d’un ecchymose (un bleu).
RACINES : j’utilise surtout les racines séchées pour les urgences, soit en poudre, soit en infusion (les faire tremper), soit en décoction (les faire bouillir). Je les réduis en poudre au besoin, au moment de les utiliser seulement. Je les fais toujours sécher entières, pour ne pas perdre de médecine et pour les garder au moins un an, jusqu’à ce que je récolte de nouvelles racines. Je les coupe en morceaux pour les décoctions au moment de les utiliser seulement, pour les mêmes raisons.
J’utilise les racines en poudre pour faire un gros cataplasme : pour soigner des foulures, enlever l’enflure, soigner un oeil au beurre noir. La pâte agit comme un anesthésiant: ça fait vraiment du bien.
J’utilise les racines en décoction : quelques racines dans un chaudron d’eau (non, y a pas de quantités mesurées ni en litre ni en grammes). La décoction sert en externe pour laver et désinfecter des plaies et empêcher l’infection. En gargarisme pour soigner les maux de gorge et les ulcères dans la bouche. En bain de siège et en lavement interne pour les infections vaginales. En bain de pieds pour provoquer la transpiration et faire diminuer une fièvre (en bas de 102 degrés).
En infusion : pour calmer mes crampes menstruelles et mes saignements abondants. Voir photo pour le beau vert de l’infusion de racines.
FLEURS : je réserve les fleurs jeunes pour les enfants et les jeunes adultes. Je garde les fleurs d’automne pour moi ou des personnes plus âgées, en particulier des femmes en pré-ménopause ou ménopausées. C’est la seule fleur que je me permets de faire bouillir légèrement, sans toutefois verser de l’eau bouillante dessus et sans jeter les fleurs dans l’eau bouillante non plus. C’est un remède qui se prépare doucement, comme quand on fait mijoter tout doucement avec le chaudron sur le poèle à bois.
L’été, je mange les fleurs fraiches, cueillies directement sur le plant pour soulager mes douleurs menstruelles. L’hiver, je bois lentement une décoction légère de fleurs séchées (un creux de main pour un petit chaudron d’eau). Comme je suis en pré-ménopause, je diminue mes bouffées de chaleur en buvant une infusion froide de fleurs séchées: simplement faire tremper des fleurs dans de l’eau température pièce. Boire de l’Achillée chaude fait transpirer, boire de l’Achillée froide diminue les chaleurs.
Je mange des fleurs fraiches, je bois de l’infusion de fleurs ou une décoction légère dès l’apparition des premiers symptômes d’une grippe ou d’un streptocoque : mal de gorge, fièvre, nez qui coule, éternuements ou toux. Souvent les symptômes disparaissent dans la journée. Si je me suis prise trop tard, la grippe dure une semaine, mais sans douleurs musculaires et sans symptômes graves, si je bois de l’Achillée tous les jours.
Je soigne également mes migraines en frottant des fleurs fraiches sur mes tempes, en mangeant des fleurs fraiches, en buvant une infusion ou une décoction légère ou en respirant la douce fumée de fleurs séchées déposées sur un tison. Je prends aussi le temps de réfléchir à la cause de ma migraine et d’y remédier (manque d’eau, repas sauté, fatigue, surmenage, stress ou environnement trop bruyant).
PLANTE DE LA FEMME
L’Achillée est abortive. Je pense d’ailleurs que c’est l’un des usages qui a été le plus malheureux de découvrir de façon empirique par les premières femmes enceintes qui en ont mangé ou bu. Je ne conseille pas de s’avorter soi-même en prenant de l’Achillée. Les risques sont trop grands d’en ressortir avec des séquelles permanentes. C’est une médecine dangereuse et à ma connaissance, seules de rares sages femmes de nations plus au sud savent encore comment l’utiliser.
J’ai assisté à une cérémonie d’accouchement dans un sweat-lodge au Mexique (le temazcal). La plante sert à provoquer les contractions quand vient le moment d’accoucher. L’Achillée rend les contractions plus efficaces et accélère le travail. Boire la plante chaude fait transpirer et aide à éliminer plus rapidement l’acide lactique dû à l’effort, réduisant du même coup les douleurs musculaires pendant et après l’accouchement. La plante aide à l’expulsion du placenta, et prévient grandement les hémorragies internes. Durant le travail, la plante sert de tonique pour la mère et l’aide à passer à travers avec moins de fatigue mentale et musculaire. Faire naitre un enfant avec la médecine d’une des plus vieilles plantes connue de l’humain est un acte sacré de connexion à la Vie.
L’Achillée est en lien avec le sang (plaies, hémorragies, ecchymoses, saignements de nez). Elle a aussi un lien fort avec l’utérus, donc forcément avec les menstruations. Elle est d’une aide précieuse pour les femmes qui ont des saignements abondants comme pour les femmes qui ont des règles trop légères : l’intelligence de la médecine de l’Achillée sait quoi faire pour normaliser le cycle menstruel. Elle aide à réduire les douleurs de l’endométriose et des fibrômes. Elle vient soutenir la femme plus âgée qui commence l’automne ou l’hiver de son cycle (pré-ménopause et ménopause).
À noter que j’écris Achillée avec une lettre majuscule. Je la vois et je la traite comme une plante sacrée. L’Achillée nous connait depuis des centaines de millénaires. À nous de raviver en nous, dans nos cellules, la mémoire de sa médecine.
Prenez soin de vous.
La Métisse